News, publiée le 15.06.2020

REMISE EN LIBERTÉ D'UN JEUNE GRAND-DUC D'EUROPE

– FRANCE –

Le 13 juin dernier, un  jeune Grand-duc d’Europe (Bubo b. bubo) est retrouvé par des grimpeurs dans les ronces, au pied des voies d’escalade d’une falaise proche d’Annecy. Une équipe de pompiers intervient alors pour déposer le poussin à la clinique vétérinaire de Sillingy-Epagny. Arnaud Lathuile, référent pour l’espèce en Haute-Savoie, m’appelle pour me demander un peu d’aide afin d’essayer de trouver, au plus vite, l’aire ou au moins le secteur rocheux d’où a pu tomber le jeune hibou. Une découverte quelque peu tombée du ciel car aucun couple n’était encore répertorié sur cette zone.

Les enfants venus en nombre voir le Grand-duc avant son retour dans la falaise de sa naissance.

Ni une ni deux, je prends mes jumelles et pars sur le secteur pour tenter le coup. D’en bas, je repère quelques vires et parois favorables mais pas d’aire à proprement parler. Je me rends donc à l’endroit où a été retrouvé le poussin et j’y trouve quelques indices tels des plumes puis des restes de corvidés et pigeons. Je chauffe ! Et c’est en attendant un peu qu’il me semble entendre, bien plus haut dans les rochers, le cri d’appel d’un (autre) jeune hibou. Ils seraient donc deux a minima ; pas étonnant et même classique pour l’espèce. Je ne vois rien mais la falaise est remplie de petites terrasses et de failles boisées parfaites pour élever une nichée. Un coup de fil à Arnaud pour lui annoncer la nouvelle et il me donne rendez-vous le lundi 15 juin pour remettre le « petit » sur le spot. Il faudra s’équiper et remonter les failles et coulées pour aller le remettre au plus proche de là ou se trouve le second jeune ; et surtout assurer ses visibilité et quiétude afin que ses parents puissent reprendre le relais au plus vite. 
Nous y voilà ! Je me retrouve devant un poussin de Grand-duc d’Europe dans un ‘vulgaire’ bidon bleu de canyoning… Un bébé dodu en pleine forme et même agressif quand on entrouvre le couvercle. Quelques enfants ont été prévenus et se sont joints à nous pour apercevoir la bête avant notre escalade. Une fois équipé pour grimper en sécurité, Arnaud charge le gros bidon sur son sac à dos ; j’ouvre la voie pour dégager le passage et choisir les meilleures options d’accès au site de relâcher. Mario, un jeune ado passionné, ferme la cordée. En montant, je repère la dépouille d’un hérisson, signe que nous sommes proches de l’aire. Tout à coup un adulte décolle, juste au-dessus de nous. On y est presque : c’est ici qu’on décide de relâcher le petit duveteux. Le but pour nous, désormais, est que le jeune hibou ne prenne pas peur lors de son extraction pour éviter qu’il ne retombe en contrebas, dans une pente bien raide faite de petits cailloux roulants. 

Le jeune Grand-duc avant sa remise en liberté. © Pierre Boissier

Ca y’est, il a retrouvé son territoire, à l’abri des prédateurs.

Pierre Boissier (LPO74) qui observe depuis le bas, le déroulement de l’opération.

Un des parents surveille les opérations du haut de sa falaise.

Le strigidé est déjà impressionnant, même âgé seulement de quelques semaines, ses pattes et serres sont d’une puissance impressionnante.
Pas bête, notre protégé remonte progressivement la pente, sans trop de difficulté, pour se mettre en lieu sûr. En bas au bord de la route, entouré par les enfants, Pierre Boissier, qui a géré la prise en charge du poussin par le cabinet vétérinaire durant le week-end, suit les mouvements des Grands-ducs adultes. « C’est une belle réussite« , lance-t’il une fois que nous sommes redescendus. A voir dans les prochains jours si nous observons à nouveau les adultes avec leurs deux juvéniles… Un grand merci à toute l’équipe présente sur place ; et longue vie aux (nouveaux) Grands-duc d’Annecy !

Article dans le Dauphiné Libéré du 18 Juin 2020

Evolution de la population du Grand-duc d’Europe en Haute-Savoie entre 2007 et 2019.  

« L’augmentation des effectifs dans le département est significative. Ainsi alors que seulement 24 sites sont connus en 2007, ils sont 50 en 2019 ! Cette évolution est due, notamment, au dynamisme positif des populations françaises. La population nicheuse doit probablement se situer entre 20 et 30 couples alors qu’elle était certainement de l’ordre de 10 à 15 couples en 2007. »

Extrait du « Suivi des rapaces rupestre de Haute-Savoie » par Clément Giacomo, Jean-Pierre Matérac et Arnaud Lathuile, Janvier 2020.